Dans cet article nous allons aborder la notion d’ADN du Barça. En sciences, l’ADN, c’est notre génétique, ce qui nous relie à notre histoire. Dans le football, c’est donc l’histoire du club, son évolution, son état d’esprit voire son style de jeu. Le Barça est un club à qui l’on associe un ADN unique, le club ne s’est pas construit uniquement avec Cruyff comme on l’entend souvent. Ce serait un affront de ne pas mentionner Rinus Michels, avant de parler de Cruyff. Il faut préciser que Cruyff lui-même avait Rinus Michels comme mentor, qui fut notamment désigné en 1999 « entraîneur du XXème siècle » par la FIFA. Plutôt significatif, non ?

Rinus Michels le précurseur de l’ADN Barça

ADN Barça

Pour faire simple le football proposé par Michels se résume de cette manière : les défenseurs peuvent être attaquants, les attaquants défenseurs. Les milieux savent aussi bien défendre que créer, les gardiens participent à la construction du jeu, balle au pied. Il ne le savait pas, mais Rinus Michels venait d’inventer le football total. Très vite, les résultats permettent de constater l’impact de la philosophie Michels au sein de l’Ajax : 3 saisons après l’arrivée du technicien hollandais, le club a remporté 3 titres de champion, du jamais vu au Pays-Bas depuis 1910.

En 1971 et sous la présidence de Nunez récemment élu, Rinus Michels débarque au FC Barcelone. Comme pour l’Ajax, avant d’être repris par Michels le Barça était en difficulté. Il doit faire face à l’écrasante domination du Real Madrid alors que son dernier titre de Champion d’Espagne remonte à 1960. Au départ, Michels a quelques difficultés à faire appliquer ses principes de professionnalisme dans un club habitué à une relative liberté. Pour voir le Barça briller, il faudra attendre 1973 et l’arrivée de Johan Cruyff, récemment ballon d’or en 71, avec Johan les espoirs barcelonais renaissent. Cette année-là, les Barcelonais enchaînent les victoires avec en point d’orgue cette humiliation du club rival le 17 février 1974 : une victoire 5-0 contre le Real Madrid. Le club finit premier du championnat avec la meilleure attaque et la meilleure défense.

Encore aujourd’hui dans le football on peut ressentir l’impact de Rinus Michels. Les joueurs sont plus athlétiques qu’avant, ils couvrent plus le terrain, le jeu est tourné vers l’offensif, les latéraux jouent à la fois défenseurs et ailiers. Le fameux 4-3-3 a longtemps fait figure de système idéal. Quelques figures vont participer à la transmission de cet héritage. Parmi eux, Johan Cruyff. On retrouve d’ailleurs dans certaines de ses phrases des mots qu’aurait pu prononcer Rinus Michels je pense notamment à cette phrase : « Dans mon équipe, le gardien est le premier attaquant et l’attaquant le premier défenseur ».

Rinus Michels a inscrit son empreinte sur l’histoire du football et mérite sa place dans le Panthéon des grands hommes de ce sport. C’est un véritable génie qui a créé sa propre pensée, il n’y aurait sans doute jamais eu le Cruyff que l’on connait sans cet homme, ce dernier sera justement l’homme qui va perfectionner le football mis en place par Michels.

 

Johan Cruyff va le démocratiser

Mise en contexte : en étant nommé entraineur du Barça en 1988, Johan Cruyff retrouve un club en pleine crise. Il va dès lors changer l’effectif en effectuant plusieurs ventes, une dizaine. Pour les remplacer, Cruyff recrute douze joueurs, on y retrouve notamment Txiki Begiristain, Jose Mari Bakero, Julio Salinas ou encore Eusebio Sacristán Mena, tous considérés comme les figures du « nouveau football » de Cruyff.

Le 3-4-3, adapté du 4-3-3 que Cruyff avait connu sous Rinus Michels avec l’Ajax et les Pays-Bas dans les années 70, est alors né. La norme de l’époque était d’avoir un système avec 4 défenseurs, 4 milieux et 2 attaquants, avec des qualités essentiellement basées sur le physique, Cruyff va chambouler les mentalités. Cependant, El Flaco (Cruyff), va rencontrer une contrainte majeure au développement de son style de jeu. Malgré les recrues du club, la plupart des joueurs du club ne sont pas assez techniques et n’ont pas l’intelligence de balle qu’il recherche, il est nécessaire de former les joueurs, et la Masía, déjà existante, doit être remodelée.

ADN Barça

Il cherchait là à se servir des atouts qu’offrait le club, la formation du club était l’un des facteurs sur lequel Cruyff allait miser. Pourquoi recruter tout un effectif et dépenser de l’argent quand on peut obtenir le type de joueur que l’on souhaite en les formant de A à Z ?

Avec un peu de temps, il finirait par posséder les joueurs qu’il souhaitait, c’était l’heure des grands travaux de Cruyff, le néerlandais va alors présenter le système qu’il veut mettre en place. Un de ses joueurs, Eusebio, raconte :

 « Il y avait un tableau noir et il a dessiné trois défenseurs, quatre milieux, deux ailiers et un avant-centre. Nous nous sommes tous regardés et on s’est demandé ce que c’était que ce truc.  C’était l’époque du 4-4-2. On n’arrivait pas à comprendre pourquoi il y avait autant d’attaquants et surtout comment on pouvait jouer avec trois défenseurs. C’était une révolution.»

Le 3-4-3, adapté du 4-3-3 que Cruyff avait connu sous Rinus Michels avec l’Ajax et les Pays-Bas dans les années 70, est alors né. La norme de l’époque était d’avoir un système avec 4 défenseurs, 4 milieux et 2 attaquants, avec des qualités essentiellement basées sur le physique, Cruyff va chambouler les mentalités, il faudra tout de même du temps au football mondial pour reconnaitre le style de Cruyff comme révolutionnaire dans l’approche du jeu.

Cependant, El Flaco va rencontrer une contrainte majeure au développement de son style de jeu, les joueurs du club ne sont pas assez techniques et n’ont pas l’intelligence de balle qu’il recherche, il est nécessaire de former les joueurs, et la Masía, déjà existante, doit être remodelée. L’arrivée de Cruyff sur le banc a tout bouleversé. « J’avais des jeunes comme Albert Ferrer, Sergi ou Guillermo Amor, des joueurs sans qualités physiques particulières mais qui maniaient le ballon avec talent. Même Guardiola n’était pas un monstre physique. Mais avec le ballon dans les pieds, il était intelligent. C’est ce que je voulais. » Il aimait insister sur cet aspect, purement intellectuel, balle au pied.

Depuis Johan Cruyff, l’idée est d’avoir le ballon pour jouer et s’amuser. Il a voulu bannir cette vieille idée selon laquelle il fallait mourir sur le terrain, et il laisse un style émerger, l’amour du jeu, l’intelligence avec et sans le ballon, c’est ce qui représente au mieux les convictions de ce grand monsieur. Dès lors, toutes les équipes du club vont adopter le schéma de jeu révolutionnaire du 3-4-3, avec un jeu axé sur la possession de la balle, attribut fondamental. Le coach néerlandais va réussir à imposer son empreinte dans le cœur du Barça, la Masía va petit à petit donner naissance aux premiers prototypes de joueurs d’influence pour Cruyff, avec entre-autre Ferrer, Amor et Sergi. A eux trois, ils accumuleront plus de 1 000 matchs en équipe première. Les pièces du puzzle imaginé par Cruyff étaient en place. Tout ne va pas se passer comme prévu, il faudra attendre plusieurs années pour voir ce style triompher.

1990-91 est la saison où la légende de Cruyff a vraiment commencé. Quand Barcelone a battu le Réal en janvier 1991, pour prendre cinq points d’avance au classement, la Liga était presque pliée. Koeman régnait devant la défense, Laudrup s’amusait au milieu et Goikoetxea était devenu un titulaire de la sélection. Mais une mauvaise période va faire son apparition, étant fumeur depuis son adolescence, il a besoin d’être opéré pour dégager une artère. Le stress permanent qu’il ressent sur le banc du Barça lui aussi, n’est pas favorable à une santé pérenne. L’opération va renforcer chez lui un côté religieux : Dieu l’a envoyé sur terre pour devenir le meilleur joueur et entraîneur de l’histoire.

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Une chose est sûre, il a marqué le FC Barcelone de son empreinte. Cruyff apportera de nombreux trophées au palmarès du club catalan, notamment la Coupe d’Europe des clubs champions en 1992 avec son équipe du barca qui s’affirma alors comme la Dream Team. Sa philosophie, sa vision de ce que doit être le football va malgré les plus médisants, s’affirmer comme étant la révolution du XXème siècle dans le football. L’épopée Cruyff va s’arrêter brutalement suite à une querelle avec le vice-président Joan Gaspart. Les deux hommes en viennent aux mains et Gaspart menace de téléphoner à la police si Cruyff ne quitte pas immédiatement le Camp Nou. Cruyff partira, synonyme de la fin de cette aventure.

Son héritage est le symbole d’un rayonnement mondial, la pérennité au haut niveau. Bobby Robson, Louis van Gaal ou encore Frank Rijkaard pour ne citer qu’eux suivront le football qu’a proposé Cruyff.

 

Guardiola : l’apogée 

ADN Barça

Joueur et capitaine sous l’ère de Cruyff au début des années 1990, et plus de dix ans après le départ forcé de Cruyff, tout en continuant de s’appuyer sur un style de possession et en se reposant sur la Masía, Guardiola a dépassé son mentor en tant qu’entraîneur le plus titré de Barcelone. En mai 2008, il est nommé entraîneur du FC Barcelone. Il réussit en 2009 un sextuplé inédit dans l’histoire du football en remportant la LDC, la Coupe d’Espagne, le Championnat, la Supercoupe, la Supercoupe de l’UEFA et la CDM des clubs. Le jeu de son Barça se caractérise simplement par un pressing fort, ainsi que l’envie de monopoliser au maximum le ballon.

Il mise sur une importante utilisation des joueurs formés au club, en quatre saisons à la tête du FC Barcelone, Pep Guardiola fait débuter avec la première équipe vingt-deux joueurs de l’équipe réserve. Nous pouvons partir de ce constat : la formation, c’est l’ADN premier du club. Cette école de pépite va permettre l’émergence de nombreux génies du football, Messi, Xavi, Iniesta ou encore Busquets et Puyol sont les figures récentes les plus reconnues dans le monde du football, en 2012, contre Levante, le FC Barcelone aligne sur le terrain 11 joueurs qui viennent tous du centre de formation, du jamais vu en Europe, Valdès dans les buts, Montoya, Puyol, Pique et Jordi Alba en défense, Xavi, Iniesta et Busquets au milieu, puis Pedro, Messi et Fabregas en attaque. L’équipe gagne 4 à 0 et est saluée par toute l’Espagne.

Le rayonnement du Barça dans le monde est dû à cette philosophie, former et miser sur des jeunes, selon une forte inspiration de Cruyff, telle est l’ADN du club. Guardiola va avoir cette reconnaissance mondiale du football, considéré comme le meilleur tacticien ayant pu exercer sur le banc blaugrana. » Johan Cruyff a peint la chapelle et, depuis, les entraîneurs de Barcelone ne font que la rénover ou la remettre au goût du jour. Personne dans le monde du foot n’a jamais eu une telle influence, à la fois en tant que joueur, puis en tant qu’entraîneur.’’

Au-delà du club, la Masía permet à l’Espagne de s’offrir une coupe du monde, en effet, le 11 juillet 2010, l’Espagne remporte la finale de la CDM en alignant sept joueurs du FC Barcelone dans le onze initial. Hormis David Villa, six de ces joueurs ont été formés à la Masía : Xavi, Iniesta, Puyol, Pique, Busquets et Pedro. Un septième joueur formé à la Masía entre en cours de jeu : Fabregas. Pour la Masía, il s’agit d’une consécration au plus haut niveau. L’ADN Barça est au sommet du monde. La même année, la Masía est hautement récompensée, Messi remporte le ballon d’or, juste devant qui ? Xavi et Iniesta, tous deux formés au club.

ADN Barça

Depuis quelques années, le jeu du Barça n’est plus réellement basé sur cette ADN qui a permis de voir les plus beaux jours du club, les titres et le rayonnement du club perdurent mais le schéma de possession du ballon n’est plus qu’un lointain souvenir pour les supporters blaugrana. Cependant, si on pouvait toujours admirer l’intelligence et l’aisance de génies comme Xavi, Iniesta, Busquets ou Messi,peu à peu, on semble revenir à une disposition propice pour cette utilisation, l’ADN d’un joueur type Barça reste une référence pour évaluer un joueur, c’est le cas de nombreux joueurs, sortant de la Masía, pour lesquels les supporters du Barça peuvent placer beaucoup d’espoir comme Riqui Puig, Carles Aleñá ou Ansu Fati et d’autres encore…

Ces gamins sont pétris de talent et expriment de la manière la plus probante l’idée du jeu « à la Cruyff », marque de fabrique du Barça. Une figure du club Xavi, si attaché à la préservation de ce fameux « ADN Barça », avait demandé la promotion de Puig en équipe première. « Il est très bon, il suffit de le voir jouer 20 minutes en Juvenil pour comprendre qu’il a le niveau. Il faut lui donner sa chance. » Le moins que l’on puisse dire c’est qu’aux vues des dernières prestations du jeunes masían, Xavi avait vu juste.