Cet article est la première partie (sur deux) d’un dossier écrit par @FCBReporter. La deuxième partie sortira dimanche.

[Temps de lecture : 5-15 minutes]

Introduction :

27 octobre 2020. Un instant qui fera date dans l’Histoire du FC Barcelone. Le président Josep Maria Bartomeu démissionne lui et toute sa direction à la suite de deux mandats très controversés à la tête de l’institution catalane. L’ex numéro deux de Rosell avait été réélu en juin 2015 suite à un triplé inespéré, avait depuis dépensé sans compter pour améliorer l’équipe, changé plusieurs fois d’entraîneur, mais rien n’a fonctionné. Le problème était bien plus profond et il en était la principale cause. Le départ avorté de Leo Messi et surtout sa fameuse interview en short-tongs aura sonné le glas de ce qui restera pour beaucoup l’une des pires présidences de l’Histoire du club.

Si j’évoque ici des mandats très controversés, c’est que selon les points de vue et les personnes interrogées, les avis divergent. L’apparition « récente » des réseaux sociaux a permis de créer des groupuscules dans lesquels bien souvent les opinions convergent et dans lesquels le nombre fait la loi. Si au départ ils n’étaient qu’un canal d’informations ou une fenêtre de divertissements, ils sont vite devenus des lieux dans lesquels se forgent des certitudes et des poncifs. En leur sein se développent chaque jour des lobbys, des influenceurs, des leaders d’opinion qui fédèrent des communautés qui de par leur taille et leur véhémence bousculent les ordres établis et sont capables de conditionner les plus importantes prises de décision des hautes sphères d’influence. Baudrillard et Foucault l’avaient vu avant tout le monde, chacun à leur façon, l’un étant véritablement visionnaire, l’autre l’étant malgré lui. Le FC Barcelone, comme toute autre institution n’a pas échappé à ce phénomène.

Durant un temps qui sembla être une éternité, plusieurs années, personne n’osa remettre en question la gestion à la fois économique et sportive du Barça. Les socios ont été décrits comme de vieilles personnes séniles se satisfaisant des privilèges qu’ils se voyaient octroyer. Les médias ne s’alarmaient pas, servant parfois même de couvre-feu lorsque pour dissimuler d’éventuelles failles, erreurs voire crises, ils titraient fièrement sur un futur meilleur, accompagné de noms de stars parfois exubérants. Bartomeu était bien entouré, de gens d’influence, de personnalités obscurs, capables de tirer les ficelles et d’activer les bons leviers selon les situations. Il avait la presse de son côté et semblait jouir du pouvoir d’endormir ses propres fans, réputés pourtant si exigeants, eux qui ont dû supporter des bouillies de plus en plus infâmes au fil de son mandat.

Mais voilà, face à cette machine extrêmement bien huilée de laquelle on n’imaginait plus se passer est survenu un contre-pouvoir inattendu, virulent bien que virtuel mais nécessaire et donc problématique bien que virulent. Ils représentent les fans et donc les consommateurs, ceux qui paient leur billet pour les matchs, ceux qui dépensent à la boutique du club, ceux qui achètent leur abonnement TV pour pouvoir suivre chaque semaine leur équipe préférée. Le marché fait la loi et le client est roi. Leur voix s’est donc faite entendre, de plus en plus bruyamment dans les couloirs du club au point qu’une enquête a même été diligentée par la direction du Barça elle-même afin de définir quelle importance pouvait revêtir une hostilité « virtuelle ». De cette enquête est ressortie une conclusion étonnante, les fans sur les réseaux sociaux seraient des bots et leur parole serait de fait illégitime. Ainsi, la seule contestation au pouvoir en place n’avait pas lieu d’être prise en considération.

Mieux, les bots ne peuvent pas être des consommateurs, il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter de l’aspect économique. Mais l’erreur était faite. En menant cette enquête, le Barça et toute l’institution qu’il représente a démontré son impéritie devant une ébauche de résistance et son incapacité à répondre à des critiques pourtant justifiées autrement que par la dissimulation. Ils ont également révélé au monde entier qu’une colère grondait, se tramait en fond et qu’aucun n’aurait pu croire qu’elle put être le seul fait de bots. Bartomeu avait déjà à ce moment-là un genou à terre. Le bilan sportif en ligue des champions, ponctué de trois humiliations en trois ans, les différents scandales dont la retentissante affaire d’entreprises payées pour salir l’image de certains joueurs emblématiques du club, le burofax auront fini de courber l’échine à Bartomeu et ses acolytes, forçant son second genou au sol et sa démission posée offficiellement ce 27 octobre.

Les pistes d’amélioration :

La page est désormais tournée, il s’agit désormais de réfléchir à ce que pourrait être le futur du Barça. Une longue péréclitation, un sursaut ou bien un redressement progressif et durable ? Les chantiers sont multiples et ils sont surtout institutionnels, économiques et sportifs. Institutionnellement, il convient de refaire du Barça un club respectable. La direction Bartomeu a bafoué nombre de valeurs, s’est mis à dos des clubs européens jugeant l’approche de leurs joueurs sans intermédiaire indignes. Elle s’est montré particulièrement irrespectueuse à l’endroit des joueurs du club, même des légendes. Des joueurs comme Luis Suarez ou Dani Alves sont ainsi partis par la petite porte, jetés comme des malpropres et ils en ont gardé une rancune amère.

Cette même direction a même payé des organes de communication sur les réseaux sociaux pour salir l’image de joueurs encore sous contrat, pour se dédouaner elles-mêmes de quelques infâmies. Elle s’est montrée injurieuse envers Quique Setien et son staff, incohérente dans ses choix et irresponsables au moment de les assumer. Je n’ai ici fait qu’un bref rappel de tant d’années d’incompétence en matière de gestion, conclue ces jours-ci par l’arrestation de Bartomeu et de 3 de ses accolytes. La vérité est bien pire tant il regorge d’exemples de ce genre, des déconvenues qui ont considérablement ternies l’image de l’institution et qui à terme l’ont rendu ridicule aux yeux du monde entier. Economiquement, la direction Bartomeu a longtemps été décrite comme une « machine de guerre ». Cette théorie qui n’a jamais pu être démontrée s’est récemment révélée fausse. Le Barça se trouve aujourd’hui endetté à une hauteur record tous clubs confondus. Une énième tentative de dissimulation a voulu faire porter le poids de ce bilan sur les épaules de Lionel Messi et de son contrat énorme. Mais les contre enquêtes ont rapidement démontré que l’argentin faisait en réalité gagner beaucoup plus que ce qu’il ne coûte au club. Enfin, l’aspect sportif sur lequel je m’attarderais dans cet article. Pour réaliser ce colossal défi, trois hommes ont été désigné au terme de la première étape de la procédure électorale : Toni Freixa, Joan Laporta et Victor Font.

Alors concrètement, quelle est la base péreine sur laquelle ces candidats peuvent s’appuyer pour retrouver les lustres d’antan, si proches et pourtant déjà si loin, quels ajouts doivent être faits, dans quelle proportion et avec quels moyens à leur disposition ?

Le choix du coach :

  • Koeman

Tout supporter du Barça conviendra qu’au vu de la première partie de saison, il résulte une saveur mitigée. Les fans se déchirent sur le cas Koeman, les avis oscillants entre un pessimisme mesuré et un optimisme clairement affiché. Pour les uns, le Barça reste une équipe fragile dont les chances de remporter un titre à la fin de la saison sont faibles. La récente défaite en supercoupe d’Espagne et les résultats laborieux contre des équipes pourtant limitées tendent à leur donner raison. Ils reprochent également un jeu assez fade, des lacunes défensives criantes, une fébrilité évidente sur les coups de pied arrêtés défensifs et une incapacité à exister offensivement autrement que par des exploits individuels. Ce à quoi il faut ajouter le manque de régularité dans les performances.

Certains matchs sont très aboutis alors que d’autres nourrissent la sensation qu’il n’y a aucune amélioration pérenne, juste des sursauts d’orgueil aléatoirement distribués. Koeman ne serait de fait pas l’entraîneur qui permettrait dans la durée de bâtir un projet sérieux, avec l’ambition de retrouver un style de jeu, des résultats et une éthique. On peut aussi noter ses changements en cours de match, d’une ridicule banalité, se limitant à du poste pour poste lorsque le résultat est favorable et à l’ajout massif d’attaquants dans le scénario inverse. Enfin, alors qu’il semble faire confiance aux jeunes, personne n’arrive à expliquer le boycott d’un des plus prometteurs du club, Riqui Puig, qui pourtant n’a jamais eu l’occasion de le décevoir durant ses rares apparitions. On ne peut rendre compte du bilan de Koeman qu’au regard du boycott d’un jeune de 21 ans, l’essentiel étant ailleurs, mais il est important d’inclure cette confusion à l’heure des premières conclusions.

Pour les plus optimistes, Koeman est l’entraîneur qui a eu le courage de reprendre une équipe das un contexte très compliqué. En effet, cette dernière restait sur une humiliation en Ligue des champions, son joueur emblématique désirait partir et l’a fait savoir, la direction siégeait sur un trône vascillant, embourbée dans les affaires, les finances dispensaient une restructuration en profondeur, le contexte sanitaire ne permettait aucune projection. Certains diront que n’ayant pas une carrière d’entraîneur riche en succès et que reprenant une équipe au fond du gouffre, il n’avait finalement rien à perdre et tout à gagner. Peu importe, il a accepté de tenter une gageure. Koeman c’est aussi un charisme qu’on ne retrouve que chez Luis Enrique parmi les derniers entraîneurs passés sur le banc du Barça. Il a su affirmer sa personnalité en demandant au club de se séparer de joueurs pourtant emblématiques, a fait savoir que si départ de Messi il y avait, il composerait avec, sans jamais se plaindre de l’éventuelle perte d’un tel joueur. Il ne s’est pas fabriqué d’excuses, ne s’est pas caché. Il a apporté dans ses valises une équipe solide d’adjoints et de préparateurs physiques, dignes d’un club comme le Barça, prêts à relever le défi. Il a su imposer sa personnalité et réinstaurer quelques valeurs fondamentales dans la vie d’un groupe, ce qui paraît simple mais qui pourtant faisait défaut ces dernières années.

Pour l’exemple, la victoire face à Grenade en quart de finale de Coupe du Roi ou plus récemment la remunatada en demie face à Séville sont deux excellents exemples de l’état d’esprit qu’il a su inculquer à son groupe. Le Barça de Koeman c’est également celui de la jeunesse donc de l’espoir. Une jeunesse qui semble prendre le pouvoir et c’est là un excellent signe de vitalité. Il a ainsi installé Pedri et Ansu Fati titulaires durant un Clasico, a permis à Araujo et Mingueza de goûter à l’équipe première et de s’y faire une place. Il fait régulièrement confiance à Sergino Dest, a su bonifier au mieux De Jong et Dembele. Mais qui dit jeunesse implique les erreurs inhérentes à cette jeunesse, qui dit jeunesse dit manque de certitude, qui dit jeunesse questionne sur l’absence des plus expérimentés, sur leur apathie ou leur manque de rendement.

C’est pour ces raisons et bien d’autres que les défenseurs de Koeman ne comptent pas pondérer leur avis en fonction des résultats en juin. Un titre serait en quelque sorte un bonus dans cette saison vouée à n’être qu’une transition. L’important est ailleurs. Il est dans les ébauches que l’on peut percevoir ici et là de renouer avec ce qui fait le Barça, il est dans l’état d’esprit du groupe, dans la qualité des séquences proposées et dans la construction via la jeunesse d’un projet à long terme prometteur qui redonne un peu d’optimisme après tant de désillusions. En ce sens, il est vrai que l’attrait pour les matchs du Barça est considérablement remonté. Chez de nombreux fans du Barça, la lassitude était devenue telle qu’il ne servait plus à rien de regarder les matchs. Ceux-ci semblaient suivre toujours le même schéma et le sentiment prédominant était la fatalité. Koeman a su faire les changements qu’il fallait pour redonner plaisir, enthousiasme et optimiste et c’est déjà beaucoup.

Cependant, il est difficile de présager de la longévité de Koeman sur le banc du Barça. Son cas est politique depuis le jour où Victor Font a fait savoir qu’il ne compterait pas sur lui s’il était élu président. Il s’agit donc d’envisager sa potentielle succession.

  • Xavi

Le nom de Xavi sonne comme une évidence. La légende du club ne s’est jamais caché de vouloir entraîner un jour l’équipe première. Il s’en tient pour l’instant à son plan initial, apprendre le métier d’entraîneur en retrait du football européen, à l’abri d’une trop grosse exposition médiatique, dans son club d’Al Saad. On le sait perfectionniste, exigeant avec lui-même, il attendra le bon moment pour se lancer. Le bon moment pour lui signifie que son expérience personnelle en tant que coach sera suffisante, que le rapport entre ses idées sur le jeu et leur faisabilité sera clairement établi, qu’il n’y aura parmi l’équipe aucun de ses anciens coéquipiers et que le contexte extra sportif, comprendre la direction, sera stable et lui permettra de disposer d’un maximum de liberté pour établir son projet. Pour voir Xavi sur le banc du Barça, il faudra impérativement réunir ces conditions. L’idée a de quoi plaire et c’est celle qui paraît la plus logique à terme, bien que les attentes seront énormes.

  • Pimienta

Une autre solution « interne » pourrait être la nomination de Garcia Pimienta, l’entraîneur de l’équipe réserve. Après avoir progressivement gravi les échelons parmi les équipes de jeunes, Garcia Pimienta est désor- mais bien installé dans ce rôle de dernière rampe de lancement avant l’entrée dans le monde professionnel voire pour les plus talentueux de l’équipe première du Barça. Son travail avec les jeunes a toujours été salué par les observateurs ou ses collègues, sa vision du jeu colle parfaitement à la philosophie du club, c’est un puriste, un cruyffista dans la moelle. Il ne dérogera jamais à son idée du jeu et pour cela s’appuiera sur les joueurs qui collent le mieux à cette vision, notamment ceux de la Masia. Sa nomination serait évidemment un pari mais un pari réjouissant. Setien le fût aussi, avec le succès qu’on lui connaît..

Si ces deux noms soulèvent beaucoup d’interrogations, il en est un qui ravirait tout le monde, Pep Guardiola. Le retour au club du coach emblématique, protagoniste de la plus belle époque de l’histoire du Barça fait rêver tous les supporters. Malheuresement, il apparaît de plus en plus clairement que les retrouvailles n’auront jamais lieu. Une histoire d’amour est terminée lorsqu’un des deux partis ne la désire plus. La page semble tournée pour Guardiola et sa décision ferme et définitive. Il reviendra peut-être à un poste décisionnel, cela il ne l’exclut pas, mais il ne prendra plus place sur le banc.

  • Quelle autre solution existe-t’il alors ?

La quasi totalité des coachs rêve d’entraîner un jour un club comme le Barça et certains parmi eux seraient légitimes dans leur candidature. Des noms sortent suffisamment dans les journaux pour s’épancher sur chacun d’eux. Afin d’être l’entraîneur dont le club a besoin, il faudra disposer d’un aura, d’un charisme et de convictions résistantes à la pression médiatique, à la course aux résultats et à l’autorité dûment acquise et imposée naturellement par les cadres du vestiaire. Il faudra également que les idées sur le jeu soient en adéquation avec celles du Barça. Enfin, le prochain entraîneur devra miser sur les jeunes et la Masia.

Les dernières années nous ont également appris que si changement d’entraîneur il y a besoin, lui seul ne peut suffir dans la situation que traverse le Barça. La future direction aura la lourde tâche de devoir apporter des solutions immédiates pour enrayer la chute mais également de préparer l’après-Messi. L’un ne peut aller sans l’autre. Le Barça a à sa disposition le meileur joueur de l’Histoire, des jeunes talentueux, quelques joueurs confirmés, il s’agit donc d’agir immédiatement pour repartir sur une bonne dynamique. Pour cela il faudra prendre des décisions fortes, se séparer de quelques légendes, reposer d’autres, laisser leur chance à de nouveaux joueurs, à de nouvelles idées, investir intelligemment et surtout créer un climat serein et ambitieux autour de l’équipe.

La fatalité et la peur s’est installé dans la tête de nos joueurs et elle se ressent à chaque grande échéance, comme le match contre le PSG l’a encore confirmé. Si elle est peut-être trop ancrée chez certains de nos cadres, alors il faut les tenir éloigner des jeunes qui ne doivent pas s’imprégner de ce défaitisme, quitte à s’en séparer. Car ce sont les jeunes qui représentent l’avenir, ce sont eux qui auront la lourde tâche de faire durer le Barça au delà de Messi et c’est sur eux que repose l’espoir des supporters. Dans le prochain article, nous nous pencherons sur cette jeunesse et sur l’après-Messi. Nous étudierons quelles sont les forces en présence, quelles peuvent être leur future utilité, quels ajouts pourront être effectués à la fois  en provenance de l’extérieur ou de la Masia.