Nous sommes le 28 mai 2011, au Wembley Stadium de Londres. Ce soir se déroule la finale de la Ligue des Champions 2010-2011 opposant le Barça et Manchester United. 87 695 spectateurs sont présents dans le stade, pour assister au remake de la finale de 2009, qui avait vu le Barça triompher, pour la troisième fois de son histoire dans cette compétition. L’heure de la revanche pour Manchester United. Le Barça vient d’être sacré champion d’Espagne cette année-là, avec 96 points, 95 buts marqués pour 21 encaissés. Rien que ça. De son côté, Manchester United est également champion d’Angleterre lors de cette saison 2010-2011, 9 points devant Chelsea. En LDC, le Barça termine premier de son groupe avec 14 points. Les hommes de Josep Guardiola se qualifient ensuite contre Arsenal en huitième de finale, contre le Chakhtar Donetsk en quart, et contre le Real Madrid en demie-finale. Manchester finit également premier de son groupe avec 14 points. Les hommes de Sir Alex Ferguson se hissent ensuite en finale au dépend de Marseille, Chelsea et Schalke 04.
Les compositions d’équipes :
LE MATCH
25 premières minutes intenses :
Le match démarre avec beaucoup d’intensité. Dès les premières minutes de jeu, le ballon passe d’une équipe à une autre. Un pressing très agressif des deux formations à la perte est mis en place. La première occasion survient du côté de Manchester. Long ballon de Van der Sar sur Wayne Rooney, Victor Valdés intervient et sort de son but pour dégager en touche. Les premières intrusions dans la surface mancuniène se produisent vers la 10ème minute. Il n’y a aucun temps mort dans cette rencontre, le rythme imprimé est digne d’une finale. Le Barça a tendance à pêcher dans la précision des passes. Beaucoup de ballons sont perdus.
Nous y sommes enfin, depuis le premier quart-d’heure, Barcelone commence à faire tourner, les passes sont désormais maîtrisées, et les transmissions rapides. L’adversaire court après le ballon. Puis quand le Barça fait tourner le ballon comme cela, le danger n’est souvent pas très loin. Sur un bon centre de Xavi, Pedro coupe la trajectoire du ballon, mais son tir passe juste à côté. La possession est clairement du côté des hommes de Pep Guardiola. Lionel Messi entame alors ses slaloms habituels en pleine défense mancunienne, faisant parcourir dans tout Wembley, des premiers frissons. Séquence de passes entre Xavi Hernandez et David Villa, qui tente une frappe, qui malheureusement n’inquiète pas Van der Sar. Barcelone ne cesse d’attaquer. Nouvelle situation, avec un autre tir de Villa, cette fois cadré. Un jeu en triangle remarquable proposé par Messi, Xavi et Iniesta permet au Barça de se créer une véritable opportunité. Au départ de l’action (21’35), ces trois joueurs sont face au milieu adverse. Des passes et surtout du mouvement permettent en 5 secondes à Xavi, Iniesta et Messi de passer ce milieu, et de se projeter désormais sur la défense adverse.
Une fin de première période avec des buts :
27ème minute, l’ouverture du score. Van der Sar dégage depuis ses 6 mètres. Gerard Piqué est à la réception, envoie le ballon de la tête sur Xavi qui pose immédiatement la balle au sol en remisant sur Iniesta. Une-deux entre Busquets et Iniesta, ce dernier trouve ensuite son coéquipier Xavi qui s’était avancé. Porteur de balle, le milieu espagnol s’avance vers l’axe du terrain, et sert d’une passe millimétrée de l’extérieur du pied Pedro, dans le half-space droit. En pleine surface, l’ailier Pedro prend à contre pied le gardien de Manchester et ouvre ainsi le score. Pep Guardiola exulte, 1-0 pour Barcelone.
34ème minute, l’égalisation. Sur une touche d’Abidal, les catalans perdent la balle. Wayne Rooney est trouvé face au but et se sert de Giggs comme relais. La position de Giggs sur cette passe s’avérera être hors-jeu. Quoi qu’il en soit, le gallois remet en une touche pour Rooney dans la surface, qui décoche une frappe dans la lucarne opposée qui ne laisse aucune chance à Valdés. Sur leur premier tir cadré, les mancuniens reviennent à hauteur, 1-1 dans cette finale.
Le Barça repart de l’avant, Xavi et Iniesta se testeront à leurs tours mais ne déjoueront pas la concentration de Van der Sar. Les joueurs de Pep ne laissent pas l’adversaire respirer. Une pression mise aux mancuniens, qui permet au Barça de rapidement récupérer la balle. Lorsque Lionel Messi est trouvé en position axiale, le danger dans la surface adverse survient aussitôt. L’argentin sème la pagaille, et Valencia commet plusieurs fautes à son égard, agacé de subir autant. De là, Messi élimine d’un petit pont l’adversaire qui vient presser sur lui, et file au but. Une course vers l’avant qui monopolise deux défenseurs. L’argentin décale ensuite côté droit vers David Villa qui ajuste un centre en première intention pour jouer le une-deux. La passe est trop dosée, et Messi ne peut pas reprendre. Le numéro 10 barcelonais rappelle qu’il est l’élément le plus dangereux pour l’adversaire.
Mi-temps à Wembley, sur le score de 1 partout. Une domination nette des barcelonais, qui semblent être sûrs de leurs forces. Wayne Rooney permet pour l’instant à son équipe de rester en vie dans cette finale. 69 % de possession pour le Barça, incroyable. 10 tirs à 2 en faveur des catalans.
Coup d’envoi de la seconde mi-temps : 25 minutes décisives
Les hommes de Guardiola reviennent des vestiaires avec les mêmes intentions. Pendant une dizaine de minutes, Van der Sar maintiendra son équipe à égalité. en repoussant des tentatives d’Iniesta, Xavi ou encore Alves.
54ème minute, la délivrance. Iniesta, Xavi et Messi se font des passes sur la même ligne. L’argentin est servi, se lance seul vers le but. Une, deux, trois, et quatre. 4 touches de balle auront suffit à Messi pour avancer, se décaler sur son bon pied, et propulser le ballon au fond des filets. Il n’est pas attaqué, du moins trop tardivement. Action de grande classe du Ballon d’Or 2010, qui donne l’avantage à son équipe. 2-1 pour le Barça.
Manchester United est définitivement spectateur du match, les joueurs sont contraints de regarder leur adversaire du jour balle au pied, tant Leo Messi et ses coéquipiers monopolisent le ballon. Les hommes de Ferguson perdent patience, et commettent d’avantage de fautes. Sur l’action suivante, Pedro réclame le ballon côté gauche, et cherche comme souvent une solution axiale. Andrès Iniesta s’appuie ensuite sur Messi, qui se retourne et déclenche une frappe, bien arrêtée par le gardien de United. Le break est manqué. Lorsque les caméras au bord du terrain filment le visage de Ferguson, l’image est très évocatrice. Le chewing-gum mâché par le coach mancunien peut l’attester, Sir Alex n’est pas au mieux. Les occasions s’enchaînent côté Barça. On sent une équipe qui souhaite faire le break, qui souhaite insister jusqu’à satisfaction. Premier changement du match, Fabio sort sur blessure, après un sauvetage sur une madjer de Messi. Le portuguais Nani entre en jeu dans cette finale.
69ème minute, le KO. Messi est face au jeu dans le couloir droit, son adversaire direct est l’entrant, Nani. Quelques petites secondes de préparation mentale, et voilà le prodige argentin lancé. Il dépose littéralement son adversaire direct, grâce à une incroyable feinte de corps. Messi accélère, parvient à s’introduire dans la surface au milieu de 3 joueurs, pour servir Busquets en retrait, qui récupère la balle dans les pieds du défenseur. Busquets remise sur David Villa. Contrôle de la semelle, frappe sans élan enroulée de l’espagnol en pleine lucarne droite. Van der Sar ne peut rien. Lionel Messis’agenouille, les bras levés vers le ciel; Villa donne un avantage de deux buts. 3-1 pour le Barça, qui file tout droit vers le titre.
Une fin de match tranquille
Réponse immédiate de Manchester, Rooney tente une même frappe, mais elle passe au dessus. Deuxième changement des mancuniens : Carrick cède sa place à Paul Scholes. Nervosité et désarroi se lisent sur le visage de Sir Alex. Manchester se réveille enfin, et arrive à amener le danger dans le camp de terrain adverse. Mais la défense barcelonaise veille et reste attentive. Nani tente de percuter sur le côté droit, rentre intérieur et décoche une frappe qui passe sur la gauche de Valdés. Rooney avait fait l’appel croisé, il n’est finalement pas servi par le portuguais.
Premier changement de Pep Guardiola, à la 86ème minute. Keita fait son entrée en jeu, et le troisième buteur de cette finale David Villa sort sous les applaudissements. Carles Puyol participe également à la fête deux minutes plus tard, et c’est Dani Alves qui cède à son tour sa place. Le club anglais se presse de jouer au plus vite, en espérant pouvoir renverser la situation. Plusieurs centres sont adressés, en vain. Manchester ne trouve pas la faille.
Le temps additionnel est de 3 minutes. Barcelone continue son jeu de possession, infatigable. On entend les supporters se lever et commencer à fêter le titre. Pep effectue son dernier changement. Le premier buteur Pedro sort, au profit d’Afellay. Van der Sar relance, mais le temps défile. Sur un ultime dégagement du gardien, l’arbitre siffle la fin du match. Les supporters exultent, les barcelonais lèvent les points : le FC Barcelone de Josep Guardiola remporte une finale de Ligue des Champions maîtrisée de bout en bout, grâce à un jeu plus que spectaculaire. Une quatrième victoire finale dans la compétition s’ajoute au palmarès catalan. Manchester United tombe en finale contre le Barça, comme en 2009, deux ans auparavant.
Cette finale en mai 2011 confirme ce que le monde du football savait déjà. A cette époque, le Barça de Guardiola est la meilleure équipe du monde. Le défenseur Rio Ferdinand déclarera par la suite que :
« C’était la première fois que nous n’avions aucune solution pour battre l’adversaire. Cette équipe est injouable. »
Du côté des statistiques, ce match est également à sens unique. 66 % de possession de balle pour les catalans, 12 tirs cadrés contre 1 seul pour Manchester. Une domination dans tous les compartiments du jeu, le Barça a marché sur cette finale.
Souvenez-vous, Eric Abidal est invité par ses coéquipiers à soulever le trophée en premier, victime d’un cancer du foie. Une formidable image, qui vient conclure une soirée parfaite pour Lionel Messi et ses partenaires. Le numéro 10 du Barça qui terminera d’ailleurs meilleur buteur de la compétition avec 12 réalisations.
Ainsi, comment expliquer une telle maîtrise collective ?
Comment et pourquoi le FC Barcelone a tant dominé cette finale ?
Revenons ensemble sur 3 axes tactiques qui nous semblent importants.
AXE 1 : Un pressing haut à la perte.
Surtout en première mi-temps lorsque le score était vierge, les hommes de Josep Guardiola n’ont pas laissé une minute de répit au Manchester United de Sir Alex Ferguson. Le Barça avait le ballon dans les pieds la majeure partie du temps, et effectuait un pressing haut et très agressif dès la perte de balle. Dès lors, les joueurs de Manchester reculaient, et ne pouvaient plus progresser. Mais le plus souvent, ce pressing de la part des catalans a permis justement de vite récupérer le ballon. Cette équipe a totalement asphyxié son adversaire du jour. Le rapport de force a très rapidement basculé en faveur des barcelonais. Un pressing collectif bien souvent entamé par l’ailier Pedro, très en jambe dans ce match. Ce qui a fait la force de ce pressing si efficace des joueurs de Pep, c’est le principe de compensation. Par exemple, lorsque Pedro Rodriguez pressait sur un défenseur mancunien, il laissait involontairement de l’espace derrière lui, et un joueur adverse libre. Et pour éviter qu’un adversaire se retrouve démarqué grâce au pressing adverse, un autre joueur doit venir en aide pour fermer l’espace, et marquer l’adversaire en question. Ainsi, c’est toute l’équipe qui est impliquée dans ce pressing, grâce à une synchronisation exemplaire. Un pressing collectif par compensation se met en place, empêchant ainsi Manchester United de jouer court, et de trouver des solutions faciles. Voilà comment les joueurs barcelonais ont pu tant de fois récupérer le ballon en peu de temps.
AXE 2 : Un trio Xavi – Iniesta – Messi magistral
Déjà reconnus avant cette finale comme étant les meilleurs joueurs du monde à leurs postes, ces trois géants de La Masia ont une nouvelle fois prouvé au monde entier. Une paire de milieux légendaire avec Xavi Hernandez et Andrès Iniestaqui a fait le bonheur de la sélection espagnole. Une victoire à l’Euro 2008, une victoire en Coupe du Monde en 2010, et une nouvelle victoire lors de l’Euro 2012. Tout simplement impressionnant. Devant eux sur le terrain est positionné Lionel Messi, en faux numéro 9, déjà détenteur de deux Ballons d’Or à l’époque. L’argentin remportera son troisième cette année-là.
Ce trio a bien évidemment été un atout majeur dans cette finale de Ligue des Champions. Il a été le cœur du jeu catalan. La quasi-totalité des occasions barcelonaises provenaient de ce trio. Xavi, Iniesta et Messi sont des joueurs qui pourraient jouer entre eux les yeux fermés; ils se connaissent par cœur, c’est un récital. Biberonnés au jeu de position de Pep Guardiola, ces trois joueurs sont en recherche permanente du troisième homme. Lors de cette rencontre au sommet contre le Manchester United de Sir Alex, Messi était bien souvent à hauteur des deux milieux espagnols. Un décrochage qui permet au trio de combiner, et de faire la différence dans la partie centrale du terrain. Chaque spectateur a pu assister à des combinaisons à 3, à des jeux en triangle, à des séquences de possession qui privent non seulement de ballons l’équipe adverse, et qui permettent également d’organiser la prochaine offensive. Comme vous pouvez le constater lors du détail de match réalisé plus haut, ces séquences de passes entre ces trois joueurs ont été déterminantes, et usantes pour United. Le trio combine, et prépare l’action. Ce soir-là, Iniesta et Xavi ont à de nombreuses reprises attendu l’appel en profondeur d’un latéral ou des ailiers. A l’image du premier but, où Xavi sert parfaitement Pedro. Autre solution pour le trio de créer des différences, les prises d’initiatives de Messi. Plusieurs fois le numéro 10 du Barça s’est lancé dans des courses tranchantes vers l’avant, dans la surface adverse et a ainsi apporté du danger. Un joueur imprévisible difficile à contenir pour Manchester. A l’image du deuxième but. Messi profite de l’espace devant lui pour l’occuper et inscrire un but en solitaire. Lorsque le trio n’élargit pas le jeu dans les couloirs à destination de Pedro et de Villa, c’est Lionel Messi qui crée des différences seul.
Le trio en question est aussi étincelant de par sa capacité à conserver la balle, même sous pression. Xavi et Iniesta n’ont perdu que très peu de ballons. Cette sérénité installe de la confiance au sein du collectif. Les séquences entre les trois joueurs éliminent les adversaires directs, et font gagner de précieux mètres. Ainsi, chaque fois que Xavi ou Iniesta se déplaçait balle au pied, une occasion se préparait. Une équipe en mouvement continu pour offrir plusieurs solutions au porteur. Xavi, Iniesta et Messi se sont amusés ce soir-là, et ont récité un football spectaculaire, dominant ainsi le match de la tête aux pieds. Un trio brillant, détonateur d’occasions.
AXE 3 : Les rôles de Pedro et Villa
Pedro Rodriguez et David Villa étaient les deux ailiers titulaires du Barça ce soir-là. En phase de possession, ces deux joueurs ont reçu comme consigne d’être souvent collés à la ligne, pour étirer le bloc adverse. Les touches de balle des ailiers représentent souvent soit la dernière, soit l’avant-dernière étape avant de tirer au but. A l’image du premier but, Pedro prend la largeur et la profondeur du terrain pour faire un appel dans le dos du défenseur. Avec la qualité de passe de Xavi, il est parfaitement trouvé dans le sens de son appel, et ajuste froidement le gardien. Pedro et Villa ont été déterminant sur toute la durée du match. C’est aussi pour cela que le trio axial (développé précédemment) a eu autant de liberté de mouvement ; c’est grâce au positionnement et au rôle des ailiers qui étirent les joueurs mancuniens, et ouvrent plus d’espace dans l’axe. A l’image du deuxième but où Messi est attaqué trop tardivement, et a un boulevard devant lui. Il a utilisé l’espace que ses ailiers lui ont donné pour s’avancer et tirer avec son pied gauche. Et à l’image du troisième but, lorsque Messi occupait la largeur, David Villa a su inversé son rôle avec l’argentin, en se plaçant dans l’axe. C’est d’ailleurs dans cette position axiale qu’il reçoit la remise de Busquets, et qu’il inscrit le dernier but de la rencontre. Ainsi, l’activité et l’importance de ces deux joueurs illustrent les buts inscrits dans cette finale. Leur rôle est essentiel dans ce que souhaite inculquer le coach.
C’est grâce à des rôles bien déterminés, à des idées de combinaisons bien claires, et à une synchronisation collective sans faille, que le jeu de position des hommes de Pep Guardiola a su dominer la planète football durant ces années.